Elément indissociable du café de spécialité et de son impact sur la dégustation, l’acidité en tasse est un critère important au moment de se faire un avis sur la qualité d’un café dans ce que l’on nomme plus précisément la complexité d’un café. C’est aussi une façon de se démarquer du café industriel reconnu pour son amertume et ses notes grillées. Au moment de l’évaluation, l’acidité ne vas pas affecter seulement la perception de l’arôme et du goût mais aussi de la perception tactile. Mais d’où proviennent ces acides, comment ressortent ils et pourquoi sont-ils tellement recherchés dans le café de spécialité ?
Les différentes perceptions
Pour schématiser, les différentes perceptions se situent au niveau de la langue selon le schéma suivant :

Au niveau du ressenti en bouche, l’acidité du café apporte une sensation de fraicheur sur les côtés de la langue et sera perçue comme agréable, douce et sans agression. Cependant, l’acidité que nous percevons n’a souvent aucune corrélation avec la quantité d’acides présents dans le café. La perception de cette sensation est plus complexe et provient essentiellement des différentes variables qui se jouent lors de l’extraction comme la qualité de l’eau que l’on utilise, le degré de torréfaction du café, la méthode utilisée et même du terroir de production. L’acidité dans la tasse de café est une des composantes sensorielles qui est presque impossible à étudier de manière isolée.
L’acidité dans le café vert
La quantité d’acide contenue dans le café vert (c’est-à-dire après la récolte et la fermentation et avant la torréfaction) se situe aux alentours de 2%, composés d’acide citrique et d’acide malique. On retrouve ces notes d’acides le plus souvent dans les agrumes, le citron vert ou la pomme par exemple. D’autres acides peuvent être présents en fonction de la durée de la fermentation choisie comme l’acide gluconique (résultat de l’oxydation du glucose et de l’acide acétique). Cependant, on retrouvera moins d’acidité dans le café vert que dans le café torréfié notamment due à la réaction de Maillard qui va transformer la composition interne du grain par la chaleur appliquée dans le tambour du torréfacteur.
Torréfaction et acidité
Le profil de torréfaction va ainsi être déterminant pour faire ressortir l’acidité que l’on recherche dans une tasse de café. Dans la torréfaction artisanale de café de spécialité, le torréfacteur va ajuster un profil pour développer l’acidité au profit de l’amertume que l’on retrouve dans la plupart des cafés industriels. Ces molécules d’acide provenant du grain vert (citrique et malique) seront en partie détruites lors de la torréfaction alors que d’autres acides dérivés des glucides naturellement présents (acétique, lactique, glycolique) vont se développer au moment de la réaction de Maillard pour atteindre son apogée juste après le 1er crack, puis se dégraderont ensuite pour finir par disparaitre totalement au profit de l’amertume. C’est notamment la raison pour laquelle on retrouve des torréfactions claires (sortie du café juste après le 1er crack) chez les artisans torréfacteurs afin de rechercher la complexité en opposition à des torréfactions foncées chez les industriels pour harmoniser un profil constant sans caractères distinctifs.

L’impact de l’extraction sur l’acidité en tasse
Le choix de l’extraction est essentiel si on recherche cette acidité prononcée dans la tasse, surtout sur un grain torréfié « light ». L’espresso sera naturellement plus tourné vers l’acidité par sa concentration qu’un café filtre (de 6 à 8 fois) car lors de l’extraction, l’acidité est le premier composant qui arrive en tasse. De plus, pour l’espresso et sa mouture extrêmement fine (environ 15 000 particules/ grain), la surface de contact de l’eau avec le café apporte beaucoup plus d’acidité qu’un café filtre où la mouture sera plus grossière. Ainsi pour un même profil de torréfaction, l’espresso produit une tasse au moins trois fois plus acide que le café filtre. L’eau que l’on va utiliser pour l’extraction a aussi une importance non négligeable car elle amène sa part de variable avec le taux de PH présent. Ainsi, une eau au PH trop bas donnera une tasse à l’acidité brutale et agressive alors qu’une eau au PH trop haut ressortira une tasse à l’acidité plate et sans relief. Attention également à la sous-extraction qui donnera une tasse trop acide et creuse. Pour savoir si on a une belle acidité dans notre café, la sensation doit être vive et juteuse sans être piquante.
Pour conclure, trouver cette belle acidité dans un café est complexe alors que le sujet est particulièrement présent dans le café de spécialité et qu’il contient beaucoup de variables. Pour aller un peu plus loin, Morten Münchow et Ida Steen de Coffee Mind au Danemark ont fait équipe avec des chercheurs danois pour étudier la quantité d’acides réellement présente dans le café infusé. Leurs résultats remettent en question bon nombre d’hypothèses sur l’impact de l’acidité notamment sur le fait que pour les acides acétiques, maliques et lactiques, les niveaux trouvés étaient si bas qu’ils seraient inférieurs au seuil de détection. Cependant, la combinaison d’un acide avec un autre provoquerait un effet synergique et donnerait donc cette perception d’acidité. Ainsi, tous les acides ne contribueraient pas de la même manière à l’acidité globale de la tasse et notre perception pourrait être affectée par l’arôme du café, par exemple des arômes d’agrumes nous sembleraient percevoir un café plus acide qu’il ne l’est réellement tandis que des arômes de caramel pourraient diminuer la perception de l’acidité et rendre le café plus sucré même si il est composé d’un nombre important de molécules d’acide. Certains professionnels de la filière pensent donc qu’il serait temps de reconsidérer les descripteurs de « notes acides » qui semblent trop scientifiques aux yeux du grand public car ne reflétant pas la réalité dont nous goûtons le café. Même si l’acidité est mesurable, la manière dont on la perçoit reste très subjective. Une description évoquant des notes d’agrumes ou de pommes vertes serait peut-être plus pertinente. Dans tous les cas, la meilleure tasse reste celle qui est équilibrée en acidité, sucrosité et sans amertume. Et qui reste unique à chacun selon ses goûts et ses préférences.