La torréfaction pour un bon café, comment ça marche?

En dégustant un café doux et agréable, que ce soit au nez ou en bouche, il faut savoir que l’étape de la torréfaction est cruciale. Elle doit être maitrisée afin de révéler les meilleurs arômes du grain et ainsi conclure de la meilleure manière possible le travail réalisé en amont par la filière café (notamment producteurs, sourceurs ou encore importateurs). La torréfaction repose sur un processus qu’il est impératif de comprendre par l’artisan torréfacteur pour obtenir le meilleur résultat possible.

Les techniques de torréfaction à travers l’histoire et le monde sont nombreuses : posé directement sur le feu, on y trouve le grilloir à spatule pour les bédouins, dans un pot de terre aux îles Célèbes ou encore le jebena en Ethiopie. Même chez nous, au cours du XXème siècle, il était fréquent que le café soit torréfié en famille dans un cylindre ou dans une boule, placée au-dessus d’un foyer à charbon de bois ou de gaz et que l’on tournait à l’aide d’une manivelle.  

Actuellement, la consommation de café se déplace (très) doucement mais surement vers le café de spécialité que l’on appelle également « la 3ème vague » (J’y reviendrai dans un prochain article). La cuisson du café y est alors bien plus maitrisée, que ce soit par l’apport des connaissances assimilées par le passé ainsi que les données et les informations apportées par les nouvelles technologies. On torréfie toujours avec ses sens mais la data reste indispensable pour observer ce qu’il se passe à l’intérieur du grain.

Le procédé de torréfaction

 L’artisan torréfacteur va agir sur 3 paramètres différents :

La puissance de chauffe (température d’entrée du grain dans le tambour du torréfacteur et tout au long de la cuisson)

L’intensité du flux d’air, ce qu’on appelle l’airflow qui va expulser l’air hors du torréfacteur et contrôler la cuisson par convection

La vitesse du tambour en contact avec le grain, ce qui va contrôler la cuisson par conduction.

Pour une maitrise maximum, l’information sur le grain vert est primordiale. Torréfiant généralement du café pur origine, l’artisan torréfacteur a toutes les cartes en mains puisque toutes les informations concernant le grain sont fournies par le producteur directement, ou via l’importateur:

L’humidité du grain (qui doit être comprise entre 10 et 12% ; plus l’humidité sera importante, plus la chaleur appliquée tout au long de la torréfaction doit être importante)

La densité (plus un caféier est planté en altitude, plus le café sera dense et plus la chaleur pénètrera plus difficilement qu’un café ayant poussé à une altitude moins élevée)

La taille du grain (un petit grain contient moins d’humidité qu’un gros grain à poids égal)

D’autres paramètres auront aussi leur rôle à jouer tel que le process de fermentation (j’y reviendrai dans un autre article également), la température de l’atelier ou l’humidité extérieure, par exemple on ne torréfiera pas de la même manière en été qu’en hiver. De même que le stockage des sacs de grain vert qui doit être optimum, au sec et à l’abri de l’humidité.

Comme tous les fruits secs, le grain vert de café est de multiple composition :  acides organiques, sucres, lipides, protéines, acides aminés, alcaloïdes et eau. La torréfaction va ainsi créer une réaction chimique mettant au travail tous ses différents composants pour faire ressortir un maximum d’arômes volatiles (environ 800 différents).           

La courbe de torréfaction

Au début de la torréfaction, il est primordial d’appliquer une source de chaleur conséquente aux grains pour assurer un développement uniforme et chasser l’humidité se trouvant à l’intérieur du grain. Comme on peut le voir sur le graphique ci-dessous, la courbe d’un profil de torréfaction suit généralement un « S » dans laquelle la température du grain chute précipitamment jusqu’à son point le plus bas, jusqu’à environ 1mn après le début de la torréfaction en provoquant une réaction endothermique, le grain absorbant la chaleur du torréfacteur.

La courbe bleue représente la température du grain lors d’une torréfaction, la courbe verte représente la vitesse de cuisson du grain (Rate Of Rise)

Comme la température remonte après son plongeon initial, le grain n’absorbe plus mais commence à émettre de la chaleur, provoquant une réaction exothermique. L’évaporation de l’eau piégée dans le grain se met alors en route. La vapeur d’eau et le CO2 augmentent la pression du grain forçant son élargissement. De nombreuses réactions se produisent telle que la réaction de Maillard qui va libérer les acides aminés, réduire les sucres et brunir le grain, produisant des centaines de nouveaux composants aromatiques.

C’est un moment crucial pour l’artisan où il doit appliquer la bonne source de chaleur en fonction de son type de grain afin d’utiliser l’humidité présente dans les grains de café pour créer un front d’énergie et obtenir un développement uniforme externe et interne. A partir d’un moment, la pression est trop importante pour la structure cellulaire du grain qui va s’ouvrir en « explosant » produisant le crack (comme le bruit du pop-corn).

Une fois que la pression, la vapeur et le CO2 se sont échappés par ce crack, le cœur du grain continue à chauffer et l’artisan torréfacteur choisit alors quel profil il veut donner à son grain (light, medium ou foncé) en arrêtant la cuisson par une sortie des grains suivi d’un refroidissement rapide. Ça peut être de quelques secondes pour une torréfaction légère à 2 ou 3 minutes pour une torréfaction foncée après le crack. 

On peut voir ici les différentes phases d’une torréfaction matérialisées ici par la barre en haut du graphique (vert pour la phase de séchage, jaune pour la phase où la réaction de maillard est active, rouge pour la phase après le crack)

Le grain de café perdra entre 10 et 20% de son poids durant la torréfaction alors que son volume augmentera de 150 à 190%. Il est important de signaler que la torréfaction n’influence pas le taux de caféine. Cependant comme le poids diminue au fil de la torréfaction, lors d’une même extraction (même poids et eau utilisés), ce sera la torréfaction qui sera la plus foncée qui sera la plus caféinée.

Torréfaction artisanale vs torréfaction industrielle

Une torréfaction artisanale est complètement différente d’une torréfaction industrielle. L’artisan prend le temps d’étudier son grain et va utiliser ses sens pour torréfier au mieux. Il ne va pas dépasser une quinzaine de minutes de cuisson avec une température maximum autour de 200/210 degrés au final. L’industriel va vouloir plutôt aller très vite, en montant sa température aux alentours de 800 degrés pour une torréfaction allant de 3 à 5 minutes en refroidissant généralement ses grains à l’eau, ce qu’on appelle une torréfaction flash. Cette méthode lui assure une augmentation du volume de ses grains de 5 à 10% supérieurs aux résultats obtenus par la méthode artisanale mais le résultat est un café sans aucune identité, aux arômes très peu développés.

L’artisanat dans la torréfaction de café prend tout son sens. C’est un procédé qui respecte l’origine du grain, le travail réalisé en amont et qui prend le temps de sentir, de voir, de toucher, d’écouter et de goûter ce formidable fruit, du début à la fin de sa cuisson. En choisissant un café de spécialité torréfié par votre artisan torréfacteur, vous choisirez un produit qui doit être consommé pour ce qu’il est, authentique, juste et vertueux.

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