L’eau au service du café ?

Elément indispensable de la création de la vie sur Terre et pour la survie de l’être humain, l’eau est également un élément vital dans la filière café, notamment dans 3 domaines précis : le traitement post récolte, la torréfaction et l’extraction. En constituant 75% de notre planète, 85% de notre cerveau et 80% de notre corps, l’eau va également représenter 90% de volume d’un espresso et 98% d’un café filtre. Au cours de son voyage, elle va se charger en minéraux et en oligoéléments dont les propriétés vont impacter le goût du café.

Au contact de la mouture de café, l’eau va agir comme un solvant afin d’extraire les arômes du café notamment lors du processus d’extraction. La qualité de l’eau va ainsi jouer un rôle majeur dans la qualité de la tasse car sa dureté et ses minéraux peuvent grandement affecter le gout du café. On dit souvent que si l’eau n’est pas bonne au départ, elle ne sera automatiquement pas bonne à la fin. Et comme elle constitue l’essentielle de la tasse, il est nécessaire qu’elle soit bien « calibrée » dès le départ. Seulement, garantir une eau parfaite, autrement dit constante et bien minéralisée, est souvent une chimère tant les paramètres sont nombreux et instables.

L’eau est composée de 2 éléments chimiques, l’hydrogène et l’oxygène (H2O) mais dans le café on ne l’utilise jamais sous cette forme pure car elle ne serait pas assez puissante pour extraire correctement les composés complexes du café. L’eau doit donc contenir des minéraux, du calcium, du bicarbonate et du magnésium, tout en étant la plus neutre possible en terme de goût.

Pour passer le casting d’une bonne eau pour un bon café, elle doit ainsi être exempte de senteurs parasites, être capable de révéler l’arôme du café par sa composition et être ni trop douce, ni trop dure.

En allant même un peu plus loin sur le lien de l’eau avec le café, les Taoïstes pensent que le feu (la torréfaction) et l’eau (l’extraction) représentent le Yang et le Yin, le souffle et le fluide. Ils sont étroitement interdépendants et ne peuvent exister l’un sans l’autre : « Le ciel descend et la Terre monte pour former l’Univers avec l’eau et le feu. »

L’eau pour le café se veut donc un formidable catalyseur.

Interaction des 5 éléments chinois: Bois, Feu, Terre, Métal et Eau

Culture

Dans la plantation et le développement de la cerise de café, l’eau constitue 60% du fruit frais et intervient particulièrement dans le tri, la germination, la culture, le lavage et le séchage. On estime qu’il faut environ 20 litres d’eau pour traiter 1 kilo de café dont 8 litres pour la seule partie de dépulpage. Malheureusement, cette eau peut devenir néfaste pour l’environnement si elle n’est pas traitée car durant la fermentation, elle se charge de micro-organismes qui va la saturer en potassium et la priver d’oxygène. Le taux d’oxygène est un paramètre qui va influencer l’étape du traitement humide (ou fermentation lavé) au même titre que son pH, sa composition minérale, sa conductivité et sa richesse microbienne. Cette méthode de traitement est apparue dans les régions où le traitement naturel (ou fermentation nature) n’était pas possible dû à un taux d’humidité excessif ne permettant pas de sécher le grain naturellement et d’atteindre la teneur en eau souhaité. Heureusement, les progrès en matière de traitement et recyclage sont réels et les machines les plus performantes consomment aujourd’hui non plus 20 litres d’eau par kilo mais 8 litres pour 100 kilos.

Torréfaction

Lors de la réception du café vert, ce dernier est chargé en eau à hauteur de 9 à 12%. Lors de la torréfaction, l’eau qui se trouve à l’intérieur du grain va constituer un moyen efficace de transfert d’énergie par convection et permettre un développement correct et régulier. Le grain emmagasine de la chaleur, qui réchauffe peu à peu l’eau qu’il contient et ainsi s’évapore progressivement. Avec la migration de l’eau vers la surface du grain, la couleur verte devient plus intense puis brunit au même moment que l’humidité ambiante augmente, permettant la réaction de Maillard. La vapeur crée une pression interne et au 1er crack, les grains ont quasiment perdu toute leur eau. Après torréfaction, elle n’est plus qu’aux alentours de 2%.

Extraction

Pas de café sans eau, pas de bonne extraction de café sans une bonne eau afin d’en extraire au mieux ses arômes. On sait maintenant que l’impact de l’eau est déterminant sur les temps d’infusion, la qualité d’extraction et le goût en tasse. On sait aussi qu’une eau trop pure avec une faible minéralisation ou une eau trop chargée avec une forte minéralisation n’est pas bonne pour le café. Une eau trop acide, ni trop alcaline non plus. Le calcium et le magnésium sont des exhausteurs de goût tandis que le bicarbonate lui va faire tampon et peut permettre d’arrondir le café et maitriser l’acidité. Cependant, une petite quantité de dureté est désirable mais si l’eau est trop dure, une réaction chimique se produit et la tasse au final manquera de nuance, de douceur ou encore de complexité.

Eau du robinet VS Eau en bouteille pour le café

Eau du robinet

Pour en discuter lors des ateliers, la grande majorité des personnes utilise l’eau du robinet pour leur extraction. Il est vrai que c’est souvent la solution la plus pratique et la moins onéreuse. On ajoute un filtre classique (à charbon ou à ions, sodium ou hydrogène) à la sortie pour la « nettoyer » et le tour est joué. Cependant, ces filtres sont conçus pour protéger les machines du calcaire plus que pour améliorer la qualité de l’eau même si un filtre à charbon actif peut faire disparaitre le mauvais goût. Malheureusement, l’eau du robinet est également polluée, saturée d’additifs comme la chlorine mais aussi de nanoparticules. Elle connait aussi une minéralisation et une conductivité changeante en fonction des saisons, des températures, des sources, des moments de la journée et de la demande. De plus, elle est volontairement trop alcaline pour protéger les tuyauteries et bien trop oxydante dans le but d’avoir une action antimicrobienne efficace. D’autre part, l’eau déteste les lignes droites des longs tuyaux et on la qualifie comme étant une eau morte quand elle sort du robinet donc avec un manque de vitalité évident. Il est alors très difficile d’avoir une eau propre et maitrisée à son goût à moins de s’équiper à un coût important.

Eau en bouteille

Si l’eau du robinet n’est pas la meilleure solution, l’eau en bouteille ne l’est pas beaucoup plus mais pour d’autres raisons. La 1ère est son coût écologique. On estime qu’il faut 2 à 7 litres d’eau pour fabriquer une seule bouteille en plastique. La seconde est son coût financier car le coût d’achat du litre d’eau en bouteille peut représenter jusqu’à 100 fois le coût d’achat du litre de l’eau qui sort du robinet. Le stockage est également un problème car les bouteilles peuvent se retrouver en plein soleil pendant de longues périodes, ce qui peut libérer des nano particules de plastiques due à la chaleur. L’eau minérale ou de source n’est donc pas la solution la plus économique, ni la plus écologique, cependant elle permet de maitriser sa composition selon le type de café à préparer car en y retrouvant toutes les informations nécessaires dont on aura besoin, il est possible de choisir celle qui nous convient le mieux pour le café.

Solution (éventuelle)

Comme disait une réplique connue, il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises situations. Chacun aura à cœur de choisir son eau pour son café. Il nous semble juste important de connaitre sa composition pour savoir quel type d’extraction on souhaite et savoir quelle influence elle peut avoir sur notre tasse de café. Si les options de l’eau du robinet ou de l’eau en bouteille ont chacune leurs qualités et leurs défauts mais qu’aucune ne nous convienne, il est alors tout à fait possible de jouer sur ses paramètres, à savoir de la distiller par condensation ou par osmose inverse afin d’obtenir une eau « propre » puis de la reminéraliser naturellement comme on le souhaite. La redynamisation de l’eau est un facteur également important à prendre en compte. Quand on prend l’exemple de l’eau qui s’écoule dans la nature, elle n’est jamais droite, il n’y a qu’à voir la forme des rivières. Une eau qui s’écoule en vortex crée donc plus de force et d’énergie en augmentant ses frottements et sa pression qu’une eau qui s’écoule de façon linéaire. L’eau devient plus expressive, plus complexe et plus aromatique et c’est notamment pour cette raison que les meilleurs cafés sont toujours servis avec une eau dynamisée.

En ce qui concerne la composition d’une eau adéquate pour l’extraction du café de spécialité, la SCA (Specialty Coffee Association) a publié un guide pour une eau parfaite avec les recommandations suivantes :

Odeur : Propre, frais, sans odeur particulière

Couleur : Clair

Chlore : 0

Dureté calcaire : 50 – 175 ppm

Bicarbonates : 68 mg/l (entre 17 et 85 mg/l max)

Sodium : Autour de 10mg/l

Alcalinité : 40 – 70 ppm

PH : 7 (entre 6.5 et 7.5)

TDS : 150 mg/L (entre 75 et 200 mg max)

L’alcalinité : Si elle est trop basse ou trop haute, il peut y avoir une corrosion importante au niveau des appareils. En ce qui concerne l’extraction, si elle est trop basse, on y retrouvera une acidité brutale, si elle est trop haute, l’acidité sera proche du néant.

PH : La minéralisation d’une eau va influer sur son pH ; plus l’eau est minéralisée, plus son pH est élevé ; plus l’eau est douce, plus elle est acide. Pour préserver les machines de la corrosion, le pH ne doit pas descendre sous 6,5.

TDS (Total Dissolved Solids) ou concentration totale des substances dissoutes dans l’eau sous l’appellation résidus secs à 180°C. Ca comprend les minéraux communs (calcium, magnésium, potassium,..), les sels ou les métaux dissous dans un volume donnée d’eau. En général, on le retrouve mentionné en mg/l ou en particules par millions (ppm). Un peu de minéraux est essentiel pour une bonne tasse mais trop n’est pas souhaité. S’équiper d’un osmoseur peut être une solution pour diminuer drastiquement le TDS si l’eau sort du robinet.

Pour conclure, l’eau est essentielle pour notre équilibre, que ce soit pour l’extraction dans le café comme pour notre quotidien en étant vitale à notre développement et à notre santé. En faisant partie de la fameuse règle des 3 dont on ne pourrait se passer (3 minutes sans respirer, 3 jours sans boire, 3 semaines sans manger), elle se doit d’être autant à notre goût et de qualité qu’à l’air que l’on respire ou qu’à la nourriture que l’on ingère. Et il est important également d’en prendre soin n’étant pas une ressource inépuisable tout en sachant que l’eau douce ne représente en fin de compte que 2.5% de l’eau présente sur notre planète.

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